Catherine Jolivet-Lévy a été l’étudiante d’Anatole Frolow qui fut mon prédécesseur à la chaire d’art byzantin de l’université Paris 1. À la mort de ce dernier, je fus appelé à le remplacer en compagnie de Pauline Donceel-Voûte qui fut, peu après, choisie comme directrice de l’Institut néerlandais d’Istanbul et démissionna de son poste. Catherine me parut toute désignée pour la remplacer, d’autant que nos champs d’activité, l’archéologie de l’Antiquité tardive de mon côté, l’histoire de l’art de Byzance du sien, se complétaient parfaitement. Ainsi commença une collaboration pédagogique et scientifique qui fut efficace et harmonieuse car elle était fondée sur le recours aux documents, leur insertion dans leur contexte historique, culturel et souvent liturgique, ainsi que sur une méfiance commune des a priori stylistiques. Sa nomination, après son habilitation à diriger des recherches en 1996, comme professeur à Paris 1 puis comme directrice d’études à l’École Pratique des Hautes Études (Ve section) lui permit d’assurer pleinement un rôle éminent dans la formation à la recherche de jeunes chercheurs.
Catherine avait choisi de se tourner pour sa thèse vers la peinture de Cappadoce, qu’elle centra sur le décor absidal, plongeant ainsi au cœur du système iconographique, de son programme et des intentions particulières exprimées dans tel ou tel édifice. Soutenue en 1981, sous le titre La peinture byzantine en Cappadoce. Problèmes d’ensemble et introduction à l’étude de l’iconographie absidale, elle fut publiée par les éditions du CNRS en 1991 sous le titre Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords (592 pages). L’ouvrage reçut de vifs éloges, notamment de Charles Delvoye qui signa là son dernier compte rendu, inachevé, dans Byzantion.
Préface
Tabula gratulatoria
Liste des travaux de Catherine Jolivet-Lévy
Abréviations
Saška Bogevska-Capuano,
Les images acheiropoïètes du sanctuaire de l’église de la Naissance de la Vierge à Mali Grad (Albanie)
Sulamith Brodbeck,
Soixante saintes femmes dans le narthex de Sainte-Sophie d’Ohrid (XIe siècle). Un programme hagiographique exceptionnel
Jean-Pierre Caillet et Fabienne Joubert,
Monuments funéraires byzantins des XIIIe-XIVe siècles : des modèles francs ?
Florence Calament et Héléna Rochard,
Les peintres à l’œuvre à Baouît : témoignages épigraphiques et picturaux
John Cotsonis,
“What shall we call you, O holy ones?” (Martyrikon automelon, plagal 4th): Images of Saints and Their Invocations on Byzantine Lead Seals as a Means of Investigating Personal Piety (6th–12th Centuries)
Anthony Cutler and Philipp Niewöhner,
Towards a History of Byzantine Ivory Carving from the Late 6th to the Late 9th Century
Jeanne Devoge,
La représentation de l’amitié dans les Livres de Job byzantins illustrés
Jannic Durand,
Les reliques du reliquaire de Jaucourt
Marina Falla Castelfranchi,
Il programma iconogra co della cripta della chiesa di Santa Lucia a Brindisi
Sharon E. J. Gerstel,
Crossing Borders: The Ornamental Decoration of St. Nicholas at Phountoukli at Rhodes
Élodie Guilhem,
Un saint inattendu dans le diakonikon de l’église Santa Maria Assunta de Torcello : saint Martin, Père de l’Église latine ?
Lydie Hadermann-Misguich,
Résonances byzantines dans la peinture amande du XVe siecle
Nada Hélou,
Une école byzantine de peinture active aux XIIe et XIIIe siècles au Liban. Étude stylistique
Nina Iamanidzé,
L’arc triomphal et son décor dans les églises médiévales de la Géorgie : quelques exemples de Svanet’i
Mat Immerzeel,
Men in White: A Medieval Description of a Wall Painting in Deir al-Khandaq, Egypt
Ivana Jevtić,
« Pierres vivantes ». Sur la représentation des idoles dans la peinture paléologue
Maria Kambouri-Vamvoukou,
La Lutte de Jacob avec l’ange. Interprétations et re ets dans l’art byzantin
Georges Kiourtzian,
Les inscriptions grecques de Nagyszentmiklós
Chryssavgi Koutsikou,
Une icône-vitae inédite de saint Christophore. Remarques sur les choix iconographiques d’un peintre crétois du XVIIe siècle
Irène Leontakianakou,
La Vierge allaitant. Icônes crétoises de la Galaktotrophousa (XVe-XVIIe siècle) et Madonna dell’Umiltà
Aspasie Louvi-Kizi,
Modes de construction occidentaux dans le Péloponnèse après la conquête franque
Tomas F. Mathews,
The Showing of the Gospel in the Divine Liturgy
Sophie Métivier,
Le monastère du Sauveur de Bathys Rhyax. Remarques sur l’élaboration du Synaxaire de Constantinople
Robert Ousterhout,
The Acheiropoietos That Wasn’t There
Valentino Pace,
Santa Marina a Muro Leccese. Una questione di metodo e una ri essione sulla pittura « bizantina » in Puglia
Simone Piazza,
Trois figures du Christ au milieu de la Communion des Apôtres : nouvelles considérations autour du cas de Cimitile (XIe siècle)
Brigitte Pitarakis,
Bras de lumière sur le templon médiéval (XIe-XIIIe siècle) : un dispositif en bronze inédit au Musée archéologique d’Edirne
Chryssa Ranoutsaki,
Cretan Hagiography: Notes on St. Eustathios
Ioanna Rapti,
Art chrétien en Anatolie turque au XIIIe siècle : les évangiles rouges de Chicago (University Library, Goodspeed 949)
Nikolaos D. Siomkos,
Un cycle hagiographique inédit de saint Jean le Théologien sur une icône bilatérale de Kastoria
Zaza Skhirtladze,
Illuminated Liturgical Scrolls in Late Medieval Georgia: The Gelati Eilitarion
Engelina Smirnova,
Illuminations of Bible Odes in the Simonov Psalter of Novgorod, Moscow, State Historical Museum, Chlud. 3, and the Byzantine Tradition
Jean-Pierre Sodini,
Une boucle de fermoir dans une tombe de la cathédrale de Xanthos
Jean-Michel Spieser et Manuela Studer-Karlen,
Remarques sur la datation de l’église de Tokalı 2
Anghéliki Stavropoulou,
Catherine, sage et sainte : les débuts de son iconographie en France
Antonis Tsakalos,
Culte et architecture en Cappadoce chrétienne à travers les siècles d’après les monuments et la tradition orale
Tolga B. Uyar,
Un monument peu connu de Cappadoce : l’église de Gökçetoprak
Catherine Vanderheyde,
Les inscriptions du moine Grégoire et le décor en marbre du katholikon du monastère d’Hosios Loukas
Ioannis Vitaliotis,
Onuphre le Chypriote, peintre post-byzantin en Albanie (vers 1591-1625) : une esquisse de son activité artistique à travers le corpus de son œuvre
Maria Xenaki,
Découvertes épigraphiques dans la vallée de Peristremma en Cappadoce
Élisabeth Yota,
Le tétraévangile Kiev A 25 : réflexions sur son décor et sur la figure du donateur
Maria Zoubouli,
« Peins la faucille sur le mur ». Vision, exégèse et imageCatherine Jolivet-Lévy a été l’étudiante d’Anatole Frolow qui fut mon prédécesseur à la chaire d’art byzantin de l’université Paris 1. À la mort de ce dernier, je fus appelé à le remplacer en compagnie de Pauline Donceel-Voûte qui fut, peu après, choisie comme directrice de l’Institut néerlandais d’Istanbul et démissionna de son poste. Catherine me parut toute désignée pour la remplacer, d’autant que nos champs d’activité, l’archéologie de l’Antiquité tardive de mon côté, l’histoire de l’art de Byzance du sien, se complétaient parfaitement. Ainsi commença une collaboration pédagogique et scientifique qui fut efficace et harmonieuse car elle était fondée sur le recours aux documents, leur insertion dans leur contexte historique, culturel et souvent liturgique, ainsi que sur une méfiance commune des a priori stylistiques. Sa nomination, après son habilitation à diriger des recherches en 1996, comme professeur à Paris 1 puis comme directrice d’études à l’École Pratique des Hautes Études (Ve section) lui permit d’assurer pleinement un rôle éminent dans la formation à la recherche de jeunes chercheurs.
Catherine avait choisi de se tourner pour sa thèse vers la peinture de Cappadoce, qu’elle centra sur le décor absidal, plongeant ainsi au cœur du système iconographique, de son programme et des intentions particulières exprimées dans tel ou tel édifice. Soutenue en 1981, sous le titre La peinture byzantine en Cappadoce. Problèmes d’ensemble et introduction à l’étude de l’iconographie absidale, elle fut publiée par les éditions du CNRS en 1991 sous le titre Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords (592 pages). L’ouvrage reçut de vifs éloges, notamment de Charles Delvoye qui signa là son dernier compte rendu, inachevé, dans Byzantion.
La Cappadoce a donc été au centre de la réflexion scientifique de Catherine, sur les traces de Guillaume de Jerphanion disparu en 1948, dont elle a salué l’œuvre pionnière et dont elle a publié tout récemment, avec Nicole Lemaigre Demesnil, chez le même éditeur, une mise à jour exhaustive (La Cappadoce, un siècle après Guillaume de Jerphanion, 2015, prix Lantier de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres), qui respecte les articulations de son illustre devancier tout en enrichissant de deux cent cinquante monuments nouveaux ceux qui avaient été recensés par lui. Elle participa à plusieurs missions de Jean-Michel et Nicole Thierry dans le milieu des années 70, avant de voler de ses propres ailes. Elle a consacré beaucoup d’énergie à l’étude de cette région, qu’elle a élargie aux secteurs du Hasan Dağı (à l’ouest), de Niğde (au sud) et de Kayseri (à l’est). Elle a labouré inlassablement cet espace, initiant sur le terrain des étudiants français, mais aussi grecs et turcs, même si elle se heurta parfois à des « chasses gardées ».
Sa très large connaissance des sources bibliques et chrétiennes, ainsi que de l’iconographie religieuse du monde chrétien, lui a permis de mieux déchiffrer et d’améliorer la lecture de beaucoup de parois cappadociennes. Répertoire iconographique, cycles (comme ceux de l’Enfance de la Vierge, de l’Archange Michel), cultes locaux (saint Hiéron, saint Eustathe, ou encore saint Kèrykos), écho des cultes de la Syrie proche (stylites), sujets rares (images de l’Agneau) ont été mieux pris en compte. Sa vision du programme d’ensemble des églises, son souci de la mise en rapport des images les unes avec les autres et du choix de leur emplacement correspondent à l’approche actuelle des décors, tout comme la reconnaissance du poids des commanditaires dans ce domaine, quand ils sont mentionnés dans des inscriptions dédicatoires ou des invocations, comme dans le cas de deux églises, la Nouvelle Église de Tokalı et, surtout, le grand pigeonnier de Çavuşin où Nicéphore Phocas, représentant de l’aristocratie cappadocienne, l’impératrice Théophano et d’autres membres de la famille impériale font face à Constantin et Hélène.
Toutefois, les recherches menées depuis Jerphanion l’ont amenée à infléchir la répartition qu’il avait faite des églises cappadociennes entre églises protobyzantines, églises des IXe-XIe siècles et églises du XIIIe siècle : les églises protobyzantines sont plus nombreuses, les décors aniconiques ne semblent pas antérieurs au IXe siècle, les peintures « archaïques » correspondent en fait à l’art de la capitale, tout comme celui des églises à colonnes, et les églises du XIIIe siècle, plus abondantes, renouvellent notre connaissance des Grecs à l’époque seldjoukide.
Outre la compréhension de l’iconographie, Catherine a mené un examen minutieux des aménagements liturgiques des églises dans le sanctuaire et ses annexes, le narthex et les bas-côtés, notamment dans le cas des chapelles funéraires. Surtout, elle a analysé les monuments comme des ensembles avec différentes salles et installations (salles communes, réfectoires, cellules, cuisines, pressoirs ou pigeonniers), voire la circulation des eaux dans certains ensembles. Elle a pris en compte toutes les formes d’habitat de la région, y compris les villes rupestres, tout en restant critique devant certaines interprétations récentes d’établissements comme des résidences. Enfin, elle a souligné les lourdes menaces qui pèsent sur ce patrimoine : l’érosion, les déprédations diverses et un tourisme parfois agressif.
L’apport de Catherine Jolivet-Lévy à l’étude de la Cappadoce, dont font partie certaines recensions magistrales, est donc considérable. Elle a aussi contribué à décloisonner les décors de cette province pour les insérer dans les courants de l’art byzantin et plus largement chrétien oriental.
La récipiendaire de ces Mélanges a été de fait active sur tous les aspects du patrimoine byzantin dans d’autres régions de Turquie, sur la peinture constantinopolitaine du XIIIe siècle et ses contacts avec l’Occident, sur les fresques du XIe siècle subsistant dans la basilique orientale de Xanthos et sur les constructions arméniennes dans l’est du pays comme l’église d’Aght‘amar. Hors des frontières turques, elle a accompli des missions sur les peintures rupestres de Crimée, a publié sur les peintures chypriotes (Saint-Néophyte), sur les décors peints et en mosaïque de Grèce et a tout récemment participé à un livre sur les peintures de San Filippo di Fragalà en Sicile (sous presse aux éditions de l’École française de Rome). Sa connaissance des manuscrits, des ivoires, des tissus coptes et des icônes est aussi attestée dans beaucoup de ses travaux.
Plusieurs manuels et ouvrages généraux, rédigés par elle seule ou en collaboration, témoignent enfin de sa maîtrise de l’ensemble de l’art byzantin et de la place de celui-ci dans l’art médiéval. Professeur exemplaire, elle a su former une relève de chercheurs et d’enseignants dont les apports sont déjà très substantiels.
La lecture de sa bibliographie jointe à cette notice et les contributions qui suivent illustrent l’éclatant apport de Catherine Jolivet-Lévy à l’étude de l’art chrétien du monde balkanique et oriental.
Jean-Pierre Sodini
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres |